Objectif « faim zéro » : le rôle des femmes dans un contexte de changement climatique

A la fois pointée du doigt comme étant responsable du dérèglement climatique, et dans le même temps victime directe de ces dysfonctionnements, l’agriculture jongle entre deux facettes complexes.

L’agriculture (englobant terres cultivées et déforestation pour les terres agricoles) est en effet responsable d’un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), et émet notamment du méthane et du protoxyde d’azote, deux gaz au pouvoir chauffant respectivement 25 et 298 fois supérieur à celui du CO2.

 

Néanmoins, ce secteur d’activité est aussi l’un des plus vulnérables au changement climatique. Une augmentation de 2 °C seulement de la température mondiale aurait des conséquences dévastatrices pour l’agriculture au niveau mondial [1] L’imprédictibilité et la fréquence des événements extrêmes (tempêtes, inondations et sécheresses) auxquels font face les agriculteurs entrainent destruction de récoltes et de cheptels, baisse de la production, et donc pénuries alimentaires et réduction des moyens de subsistance. Les populations les moins responsables des dérèglements climatiques, et notamment les petits agriculteurs et les femmes en sont pourtant les principales victimes. De plus, les systèmes alimentaires déjà fragilisés sont encore plus vulnérables à des crises alimentaires, déstabilisant les marchés et précipitant la flambée des prix.

D’ici 2030, le prix moyen des denrées de base (riz, maïs, blé) pourrait plus que doubler par rapport aux prix de 2010 – et la moitié de cette hausse serait attribuable au changement climatique [2].Les populations les plus pauvres sont particulièrement vulnérables à ces fluctuations des prix car elles consacrent jusqu’à 80 % de leur revenu à l’alimentation. Les dernières décennies sont marquées par ce paradoxe : ceux qui nourrissent la planète comptent précisément parmi ceux qui souffrent de la faim.

Après plus de dix ans d’embellie, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation (FAO) a annoncé en 2017 que le nombre de personnes souffrant de la faim avait augmenté : 815 millions de personnes sont concernées soit 11 % de la population mondiale. Le bilan de la faim dans le monde en cette année 2018 est tout aussi brutal : la sécurité alimentaire dans certaines régions du monde se dégrade notamment en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est et de l’Ouest, tandis qu’une crise alimentaire majeure affecte la région Sahélienne. Au Burkina Faso, au Tchad, au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Sénégal, presque 6 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire et de moyens de subsistance pour pouvoir survivre à la période de soudure [3]. Les taux de malnutrition sont très élevés et jusqu’à 1,6 million d’enfants risquent d’être exposés à une malnutrition aiguë sévère mettant leurs vies en danger [4].

Les femmes, un rôle capital

La contribution des femmes à l’agriculture familiale dans les pays en développement est évidente : elles produisent 60 à 80 % des aliments et sont en charge de la moitié de la production alimentaire mondiale. Néanmoins, elles n’ont encore qu’un accès limité aux ressources et services indispensables et doivent faire face à de nombreux obstacles sociaux, économiques et politiques. Leur accès à la terre, au crédit, aux intrants agricoles, à la recherche et aux techniques et aux services d’éducation est très limité d’autant qu’elles restent marginalisées des instances de décisions. Pour toutes ces raisons, les femmes agricultrices sont touchées de manière disproportionnée par le changement climatique : les ressources naturelles locales dont dépendent fortement leur revenu et leur sécurité alimentaire sont directement menacées. Le changement climatique présente le risque de marginaliser encore plus les femmes de milieux ruraux et d’exacerber les inégalités de genre.

La FAO estime que si les femmes avaient autant accès aux ressources et aux opportunités que les hommes, elles pourraient augmenter leur production de 30 %, ce qui pourrait permettre de réduire le nombre de personnes souffrant de la faim de plus de 150 millions [5]. De fait, les femmes représentent aussi une ressource précieuse dans l’adaptation car elles ont souvent une expertise en matière de semences et cultures, et de gestion des ressources naturelles. Leur capacité de résilience et leur qualification sur les pratiques agro-écologiques constituent un atout précieux à renforcer et soutenir.

Pour Oxfam, il est indispensable de soutenir les femmes agricultrices, qui se trouvent en première ligne du changement climatique, et qui, par conséquent, doivent être reconnues et recevoir l’aide dont elles ont besoin pour y faire face. Pour cela, les financements pour l’adaptation et la résilience des pays et des populations vulnérables sont capitaux. Or, les dernières tendances sont très préoccupantes, comme le révèle notre dernier rapport « 2018 : Les vrais chiffres des financements climat ». Oxfam reste mobilisée pour rappeler à Emmanuel Macron que ses actes doivent être à la hauteur de ses propos encourageants. Nous suivrons de près ces problématiques au prochain Sommet des Nations unies sur le climat, en décembre 2018 en Pologne.