Paradise Papers : l’histoire continue

Depuis sa révélation fracassante, le monde a eu les yeux rivés sur le scandale des Paradise Papers qui a mis à en lumière l’évasion fiscale pratiquée à échelle industrielle par des grandes entreprises connues et des personnalités. Retour en cinq actes sur les « Paradise Papers », dont la fin de l’histoire reste à écrire.

Acte 1 : la révélation

Le 5 novembre 2017, le monde découvrait un nouveau scandale d’évasion fiscale à la suite d’une fuite de documents d’une ampleur inégalée : les Paradise Papers. Ces documents, entre autres issus du cabinet Appleby basé dans les Bermudes, révèlent au grand jour un système parfaitement rodé et élaboré par et pour une élite fortunée et des entreprises multinationales.

Au cœur des révélations, des entreprises qui comptent parmi les plus puissantes de la planète – Nike, Facebook, Apple, Glencore – des proches de personnalités politiques de premier plan – Donald Trump, la Reine d’Angleterre, Vladimir Poutine, Justin Trudeau – mais aussi de grandes fortunes mondiales comme Bono ou Shakira. La France n’est pas épargnée puisque des grands fleurons de notre industrie ont été pris dans les filets du scandale : Total, Engie mais aussi Dassault dont la complicité dans un schéma de fraude à la TVA sur les jets privés a été illustrée par une grande enquête de Cash Investigation diffusée sur France 2.

(Ces révélations sont le fruit d’un travail exceptionnel de journalistes d’investigation (membres du Consortium international des journalistes d’investigation) qui ont analysé pendant près d’un an plus de 13,5 millions de documents confidentiels provenant de cabinets d’avocats spécialistes du conseil en évasion fiscale, dont Appleby).

Acte 2 : l’indignation

Oxfam a immédiatement réagi aux révélations. Une de nos porte-paroles, Manon Aubry, était en direct dans l’édition spéciale de France Info [voir le replay] le soir même des révélations, aux côtés de responsables politiques, comme l’ancien ministre de l’Economie Michel Sapin, et d’autres expert-e-s de ce sujet, avec un message clair : ces comportements immoraux sont inacceptables car ils alimentent la pauvreté et les inégalités.

Comme à chaque scandale, Oxfam, qui travaille à lutter contre la pauvreté et qui a fait de la lutte contre les inégalités l’une de ses campagnes phares au niveau internationale, rappelle un fait très simple : nous payons tou-te-s le prix de l’évasion fiscale, ici en France comme dans les pays en développement. Car les manques à gagner dûs à l’évasion fiscale sont autant de ressources confisquées aux budgets des Etats pour se développer, construire ou entretenir des écoles, des logements, des hôpitaux, des routes, etc. des infrastructures dont nous dépendons tou-te-s, et encore plus particulièrement les personnes plus pauvres [voir notre vidéo-choc]. En France, l’évasion fiscale coûte chaque année 60 à 80 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget de l’Education nationale. Dans les pays en développement, un tiers du montant de l’évasion fiscale des entreprises permettrait de sauver 8 millions de vies chaque année.

Acte 3 : les « fausses » solutions et l’hypocrisie des Etats

Hormis le silence assourdissant du Président de la République, les responsables politiques n’ont pas manqué de voix pour s’insurger contre ces pratiques qualifiées d' »immorales ». Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire a fustigé une « attaque contre la démocratie ». Nous ne pouvons qu’applaudir. Mais où sont les actes ? A l’évidence, les propositions du Gouvernement sont encore loin du compte au regard de l’ampleur et de l’urgence de la situation. De son côté, l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique, fondée en 1948, qui compte 35 pays membres représentant à eux seuls 80 % du PNB mondial ce qui lui vaut d’être souvent qualifiée de « Club des pays riches »), continue à proposer des mesures qui ne suffiront pas à changer la donne car elles ne sont pas suffisamment contraignantes pour les Etats. Ce dernier scandale en est la preuve ! L’OCDE se contente de mettre des pansements sur un « corps malade », alors qu’il devrait proposer des dispositifs pour repenser profondément le système fiscal international qui n’est plus adapté aux échanges économiques.

Au-delà de la faiblesse des propositions politiques, les Etats jouent surtout un double-jeu qui permet aux systèmes d’évasion fiscale de perdurer. En même temps qu’ils dénoncent avec vigueur l’évasion fiscale, ils participent au jeu dangereux de la concurrence entre Etats et d’un nivellement vers le bas qui consiste à faire payer toujours moins d’impôts aux grandes entreprises et aux grandes fortunes au nom de l’attractivité économique, de la création d’emplois, etc. Pourtant, un rapport du Forum économique mondial (1) démontre que les déterminants principaux pour les entreprises qui veulent investir en France sont les infrastructures du pays, la présence d’une main-d’œuvre qualifiée et en bonne santé, ainsi que la stabilité sociale. Des investissements pour lesquels les contributions fiscales des entreprises sont indispensables !

La France est elle aussi complice de ce système généralisé en actant dans son propre budget une baisse de l’impôt sur les sociétés et la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Acte 4 : nos demandes à Emmanuel Macron

Trois jours après la révélation des Paradise Papers, et outre ses interventions nombreuses dans les médias, le lancement de notre pétition et nos rendez-vous avec quelques responsables politiques, Oxfam a publié sous la forme d’une mise au point, ses cinq solutions pour mettre un terme à l’évasion fiscale. Cinq solutions qui peuvent commencer à s’appliquer tout de suite.

Le scandale causé par les Panama Papers avait poussé le monde politique à agir, mais les Paradise Papers montrent qu’il y a encore beaucoup à faire pour répondre à l’exaspération des citoyen.ne.s face aux comportements d’impunité des multinationales. Des citoyen.ne.s qui demandent à ce que les lignes bougent : 75 % des Français.e.s estiment que la fraude fiscale n’est pas assez sanctionnée (2). Nous sommes d’accord avec eux !

Si les gouvernements ne réforment pas le système fiscal en profondeur, les grandes fortunes et les multinationales comme Total et Nike, aidées et encouragées par leurs armadas de conseillers fiscaux comme Appleby et par les paradis fiscaux eux-mêmes, auront toujours une longueur d’avance.

Nos solutions résumées en 4 minutes !

Acte 5 : la force du pouvoir citoyen !

Plus que jamais, transformons l’indignation en action ! L’ampleur et la complexité des scandales d’évasion fiscale peuvent donner l’impression que nous ne pouvons pas agir sur ces pratiques. Oui, lutter contre l’évasion fiscale des entreprises est une énorme gageure, mais ce n’est pas une fatalité. C’est un défi que nous pouvons relever !

Cet appel à mobilisation, nous l’avons formulé dans une tribune « Stop l’indignation sur les Paradise Papers, il est maintenant temps de passer à l’action contre l’évasion fiscale » sur le Huffington Post. Pour y parvenir, ensemble, nous devons nous mobiliser et appeler les dirigeantes et dirigeants mondiaux à mettre un terme à l’ère des paradis fiscaux qui alimentent les inégalités et empêchent des centaines de millions de personnes de sortir de la pauvreté.

Agissez maintenant en signant la pétition que nous adressons à Emmanuel Macron : plus nous serons nombreux-ses à faire entendre notre voix, plus nous serons influent.e.s pour obtenir des résultats ! Et une fois signée, n’oubliez pas de partager cette pétition autour de vous et sur les réseaux sociaux.