Réforme fiscale : vers un quinquennat des inégalités

A l’avant-veille de la présentation du projet de loi de Finances 2018 par le Gouvernement, Oxfam publie une analyse de l’impact des principales réformes fiscales sur les inégalités en France. Le rapport « Réforme fiscale : les pauvres en payent l’impôt cassé » révèle que les ménages les 10 % plus riches bénéficieront d’une hausse de revenus au moins 18 fois plus importante que les 10 % les plus pauvres.

En tenant compte des baisses annoncées de prestations sociales, le contraste est encore plus saisissant puisque les 10 % les plus riches verraient leurs revenus annuels augmenter de 1 193 € contre une baisse de 337 € pour les 10 % les plus pauvres [1].

Pour Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam France : « En 2016, les 10 % des Français-e-s les plus riches détenaient plus de 56 % des richesses nationales tandis que les 50 % les plus pauvres se partageaient à peine moins de 5 % du gâteau. Où est la cohérence quand le Président de la République dénonce à la tribune des Nations unies l’accroissement des inégalités [2], pour privilégier la semaine suivante les mesures fiscales à destination des plus fortunés et au détriment des plus pauvres ?»

Certaines mesures annoncées par le Gouvernement montrent qu’au-delà des 10 % les plus riches, les 1 % sont particulièrement favorisés par la réforme fiscale à venir. Ainsi, la transformation de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune en Impôt sur la Fortune Immobilière permettra aux 1% les plus riches d’économiser 3,6 milliards d’euros, une somme qui pourrait pourtant permettre de doubler les crédits budgétaires français destinés à lutter contre l’extrême pauvreté dans le monde. La mise en place d’un taux unique de taxation du capital coûtera plus cher à l’Etat que la baisse prévue dans le budget du logement [3]. A l’inverse, les impôts les plus régressifs – TVA et CSG – payés en plus grande proportion par les ménages les plus pauvres n’ont cessé d’augmenter ces 20 dernières années : les recettes de la CSG ont été multipliées par 6,7 et celles de la TVA ont augmenté de 72%.

« Alors que le nombre de personnes en situation de pauvreté a augmenté de près d’un million de personnes ces dix dernières années, autant de cadeaux fiscaux à destination d’une minorité aisée est incompréhensible. D’autant plus que leur impact en termes de croissance et d’emploi reste à démontrer ! Le Gouvernement assume, de fait, de voir l’écart entre les plus riches et les plus pauvres s’accroître au long du quinquennat, et met à mal la fonction redistributive et solidaire de l’impôt.» déplore Manon Aubry.

Si les ménages les plus riches sortent grands gagnants de la réforme fiscale,celle-ci dispense également les grandes entreprises de contribuer à l’effort collectif : elles vont même pouvoir augmenter davantage leurs profits alors que le CAC 40 a déjà enregistré des bénéfices record (plus de 52 milliards) pour le 1er semestre de cette année. La baisse du taux d’imposition sur les sociétés de 33,3 % à 25 % devrait coûter entre 15 et 17 milliards d’euros par an à l’Etat français dans un contexte où les recettes de l’impôt sur les sociétés ont déjà baissé de 20 milliards d’euros ces dix dernières années (- 40%). Une tendance en décalage avec l’évolution des bénéfices des entreprises françaises qui ont augmenté de 57 milliards d’euros ces dix dernières années (+ 10%). Le Gouvernement confirme ainsi une tendance inquiétante de nivellement vers le bas de l’impôt sur les sociétés et de concurrence fiscale entre Etats.

Pour Manon Aubry, « Alors que les entreprises paient déjà de moins en moins d’impôts malgré une augmentation de leurs bénéfices, le gouvernement fait le choix de diminuer encore plus leurs contributions fiscales et de se priver ainsi d’importantes recettes. Quand la France annonce vouloir lutter contre l’évasion fiscale des GAFA en Europe, et qu’en même temps, elle s’autorise un laxisme en actant dans son propre budget une baisse de l’impôt sur les sociétés, elle joue un double-jeu contre-productif et néfaste pour les finances publiques ! ».

Oxfam demande au gouvernement de procéder à une évaluation de l’impact de ses mesures fiscales annoncées sur les inégalités et recommande en priorité un taux progressif d’imposition sur le capital, le maintien d’un impôt sur la fortune et d’une contribution juste et équilibrée des entreprises.

Outre ces mesures, Oxfam rappelle que l’élaboration du budget est un moment crucial et un signal fort en termes d’arbitrages politiques. L’ONG milite pour des mesures ambitieuses de lutte contre la pauvreté et les inégalités, en France et dans le monde, à travers la justice fiscale et l’augmentation de l’aide internationale et la taxe française sur les transactions financières notamment.

Contact

Contact presse :

Pauline Leclère
07 69 17 49 63
pleclere@oxfamfrance.org

 

Notes aux rédactions

[1] Calculs de l’OFCE, Evaluation du programme présidentiel pour le quinquennat 2017-2022

[2] Déclaration d’Emmanuel Macron à l’Assemblée Générale des Nations Unies « Nous avons trainé à régler le réchauffement climatique, à traiter des inégalités contemporaines qu’un capitalisme déréglé s’est mis à produire. »

[3] La mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur le capital devrait coûter 4 milliards d’euros selon l’OFCE. Le Gouvernement a annoncé une baisse de 3,3 milliards d’euros par an du budget du logement d’ici 2019.

Le projet de loi de finances 2018 sera présenté mercredi 27 septembre en Conseil des Ministres.