L’analyse récente d’Oxfam révèle que les inégalités de revenus sont élevées ou en augmentation dans 60% (soit 64 sur 106) des pays à faible et moyen revenu recevant des subventions ou des prêts du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque mondiale, avant leurs Réunions de printemps2024. Les pays présentant des niveaux élevés d’inégalités de revenu ont des coefficients de Gini supérieurs à 0,4, le seuil d’alerte fixé par les Nations Unies.

  • Les inégalités de revenu ont augmenté dans 37 pays au cours de la dernière décennie, y compris au Burkina Faso, au Burundi, en Éthiopie et en Zambie.
  • Les inégalités de revenu sont élevées au Ghana, au Honduras, au Mozambique et dans 39 autres pays.

« Le FMI et la Banque mondiale affirment que la lutte contre l’inégalité est une priorité, mais en même temps, ils soutiennent des politiques qui creusent le fossé entre les riches et le reste de la population. La grande majorité de la population lutte de plus en plus chaque jour pour compenser les coupes dans les financements publics de la santé, de l’éducation et des transports. Ce haut niveau d’hypocrisie doit cesser », a déclaré Kate Donald, responsable du bureau de Washington D.C. d’Oxfam International.

« La décision de la Banque mondiale l’année dernière de cibler la réduction d’inégalités pour la première fois de son histoire en 80 ans est un pas important. En revanche, si la Banque mondiale se veut sérieuse au sujet de la lutte contre les inégalités, le premier enjeu serait d’en faire une priorité majeure pour ses prêts aux pays les plus pauvres du monde, qui sont actuellement discutés lors des Réunions de printemps », a ajouté Kate Donald.

Les contributions des donateurs à l’Association Internationale de Développement (IDA) de la Banque Mondiale, qui fournit des subventions ou des prêts à faible taux d’intérêt aux pays les plus pauvres du monde – dont plus de la moitié se trouvent en Afrique – sont restées stables ces dernières années malgré des besoins en hausse. Le président de la Banque mondiale, Ajay Banga, a appelé les gouvernements donateurs à faire de la prochaine reconstitution de l’IDA la « plus grande de tous les temps ».

Les pays à faible revenu font également face à une crise de la dette, rendant d’autant plus urgente une reconstitution ambitieuse de l’IDA21. La dette croissante et les remboursements d’intérêts détournent des ressources rares de domaines cruciaux tels que l’éducation publique, les soins de santé et les filets de sécurité sociale, menaçant de compromettre les acquis en matière de développement. Selon une analyse de la Banque mondiale, Oxfam constate que la moitié des pays éligibles à l’IDA sont surendettés et ont besoin de l’annulation de près de la moitié de leur dette (45%).

Des impôts plus élevés sur le revenu et la fortune des plus riches pourraient générer des milliards de dollars pour combler les déficits de financement de l’IDA et combler les énormes lacunes de financement pour le développement et le climat dans les pays à faible et moyen revenu. Les ministres des Finances du G20 réunis à Washington D.C. lors des Réunions de printemps pourraient jouer un rôle déterminant dans le déblocage de cet investissement. Le Brésil, actuel président du G20, a appelé à un plan mondial pour garantir que les super-riches du monde paient leur juste part d’impôts. La France a depuis apporté son soutien.

Tout accord mondial doit veiller à ce que les super-riches soient taxés à un taux suffisamment ambitieux pour réduire l’inégalité. Par exemple, un impôt annuel sur la fortune nette de plus de 8 pour cent serait nécessaire pour réduire la richesse des milliardaires.

« Nous ne croyons pas à l’excuse selon laquelle ‘nous ne pouvons pas nous le permettre’ – l’argent est là, il n’est tout simplement pas bien réparti. Nous avons un besoin urgent que les gouvernements donateurs augmentent leurs contributions à l’IDA, et que le G20 avance avec un accord mondial pour taxer les super-riches. Il s’agit de s’assurer que les pays riches et les personnes les plus fortunés paient leur juste part pour lutter contre les inégalités et la crise climatique », a déclaré Kate Donald.

Contact :

Louis-Nicolas Jandeaux – Responsable de campagne et plaidoyer Humanitaire et Financement du Développement
lnjandeaux@oxfamfrance.org
06 49 15 58 60 / @JandeauxL

Notes aux rédactions :

Des porte-paroles d’Oxfam seront disponibles pour des interviews lors des réunions de printemps.

Oxfam, en collaboration avec des alliés tels que l’ICRICIT et le Réseau pour la justice fiscale en Afrique, organise un panel de haut niveau à Washington DC le 17 avril de 16h à 17h30 intitulé « La voie pour taxer les super-riches – vers un agenda de taxation mondiale progressiste ». Les intervenants seront : Guilherme Mello, Joseph Stiglitz, Gabriel Zucman, Esther Duflo, Chenai Mukumba et Katherine Baer. Lieu : IMF HQ2. Salle : Salle de conférence HQ2-03B-768B.

Les données utilisées pour les calculs d’Oxfam sur l’augmentation ou l’importance de l’inégalité proviennent de la Plateforme sur la pauvreté et l’inégalité de la Banque mondiale. Les données sur l’inégalité sont disponibles pour 106 pays à revenu faible et moyen bénéficiant de prêts du FMI et de la Banque mondiale.

Le coefficient de Gini est une mesure typique de l’inégalité des revenus. Le coefficient varie entre 0 et 1, où 0 représente une égalité parfaite et 1 une inégalité parfaite. Une forte inégalité des revenus est définie comme un coefficient de Gini des revenus supérieur à 0,4.

Sous la pression de centaines d’anciens membres du personnel de la Banque mondiale et de plus de 200 économistes, dont Jayati Ghosh, Thomas Piketty et Joseph Stiglitz, la Banque a annoncé l’année dernière qu’elle fixerait pour la première fois depuis sa création en 1944 un objectif d’entreprise sur l’inégalité. Le nouvel objectif visera à réduire le nombre de pays présentant une forte inégalité.

En décembre 2023, le président de la Banque mondiale, Ajay Banga, a appelé les pays membres à faire de la prochaine reconstitution de l’IDA « la plus grande de tous les temps ».

Le cycle actuel de l’IDA se termine en juin 2025 et le prochain cycle, IDA21, se déroulera de juillet 2025 à juin 2028.

Pour estimer la proportion de la dette publique externe qui devrait être annulée, Oxfam a calculé l’excédent de dette pour chacun des quatre indicateurs de soutenabilité de la dette de la Banque mondiale, et a sélectionné l’indicateur présentant la dette la plus excessive pour chaque pays. Trois pays éligibles à l’IDA surendettés (Pakistan, Sri Lanka et Sainte-Lucie) sont exclus de ces calculs car la Banque mondiale utilise une autre méthodologie d’évaluation de la soutenabilité de la dette pour ces pays.

Oxfam a calculé que pour maintenir la richesse des milliardaires constante au cours des deux dernières décennies, nous aurions eu besoin d’un impôt annuel sur la fortune nette de plus de 8 pour cent dans tous les pays. Pour maintenir leur richesse constante entre 2016 et 2021, nous aurions eu besoin d’un impôt annuel sur la fortune nette de 12,8 pour cent.