Économies d’eau : quand les initiatives locales montrent la voie

Sécheresse, faible niveau des nappes phréatiques : certaines collectivités s’engagent, à leur échelle, pour une réduction de la consommation collective tout en garantissant la meilleure satisfaction des besoins vitaux. Lumières sur le fonctionnement de l’eau potable en France et quelques bonnes pratiques émergentes.

Le financement de l’eau potable en France : comment ça marche ?

C’est un fait : l’eau potable est disponible à l’état naturel. Mais la capter, la stocker et l’assainir a un coût, de la construction des infrastructures à leur entretien en passant par la protection contre les pollutions et le contrôle de la qualité de l’eau. C’est pour couvrir ces dépenses, mais aussi les redevances aux agences de l’eau et les taxes (celle affectée aux voies navigables de France ainsi que le TVA à taux réduit sur la consommation d’eau) que paie le consommateur. En théorie… puisque les factures adressées aux français restent en partie réglées par les collectivités, qui participent à l’effort collectif. En chiffres ? Sur les 3,98€ que coûte un m3 d’eau – soit 1000 litres, 1,54€ et 1,53€ concernent respectivement le service de l’eau potable et les services de collecte / assainissement. Les 0,92€ restants sont liés aux redevances et taxes (1). Un prix moyen qui varie en fonction des régions et de la topographie de infrastructures, ce qui explique donc pourquoi l’eau, en France, est une compétence gérée par la commune ou un Établissement Public de Coopération Intercommunale (ECPI), qui déléguent elles-mêmes cette compétence à une régie publique ou une entreprise privée. Avec, dans tous les cas, une obligation de transparence qui se traduit par la publication annuelle d’un rapport sur la qualité du service. Loin derrière le loyer et l’énergie, la facture d’eau représente 1% du budget des ménages. Elle comprend une part fixe ou un abonnement couvrant une partie des coût fixes de la distribution (plafonnée depuis 2012 à 30% de ce montant sur la base d’une consommation annuelle de 120m3 dans les villes, et à 30% dans les communes rurales) ainsi qu’une part variable sur la consommation. Sans oublier la redevance nécessaire pour financer l’assainissement et les impôts auxquels l’eau est assujettie.

À Dunkerque, la preuve par l’exemple

En mars 2013, la loi Brottes « interdit les coupures d’eau toute l’année pour l’ensemble des résidences principales, sans condition de ressources, alors que cette interdiction était jusque-là réservée aux familles en difficultés bénéficiant ou ayant bénéficier du fonds de solidarités pour le logement (FSL) » (2). Un autre versant du texte ouvre la porte à la variabilité des prix en fonction des volumes d’eau consommés. Une opportunité saisie sans attendre par la ville de Dunkerque (59), où depuis une décennie, la tarification est divisée en trois tranches : l’eau essentielle (0 à 80m3), l’eau utile (81 à 200m2) et l’eau dite de confort (plus de 200m3). La première a un coût symbolique (0,83€ / m3), la deuxième reste inférieure au coût des services (1,53€ / m3) et la troisième, d’un tarif supérieur (2,04€ / m3), permet d’équilibrer le budget de la régie. Soit, pour 250m3, une facture de 355,5€ contre 252,5€ avant la loi Brottes. Les effets de cette approche (3), qui également inspiré la Métropole de Montpellier (4) et la ville de Libourne (5) : un usage de l’eau de confort qui s’étiole et – malgré une augmentation chez les petits consommateurs – une utilisation qui a chuté de 9%. Les familles nombreuses à faibles revenus restant malgré elles de grandes consommatrices ? L’agglomération dunkerquoise leur octroie des « chèques eau ».

Recycler l’eau de lavage, une alternative efficace

Une cuve pour récupérer l’eau, un local technique pour la dépolluer / recycler puis la réutiliser en circuit fermé : du côté de Saint-André-de-Corcy (01), impossible de se voir délivrer un permis de construire pour faire sortir de terre une station de lavage sans ces équipements (7). Une décision de la Mairie qui, au-delà de ne pas être concerné par les éventuelles restrictions en période de sécheresse, permet d’osciller entre un et deux m3 de consommation journalière… contre 15 à 20 dans une station de lavage classique.

Quelles limites pour la tarification sociale de l’eau ?

Dix ans après la loi Brottes, l’exemple dunkerquois peine pourtant à faire des émules (6). Seules 41 collectivités ont en effet instauré des tarifs sociaux pour l’eau, qui concernent au total 11 millions de personnes en France. Avec quelques variantes. À Nantes et Grenoble, par exemple, les décideurs ont, plutôt qu’une tarification progressive, privilégié l’allocation eau, pendant que la Communauté d’Agglomération de Paris – Marne la Vallée optait pour les chèques eau. Au cas par cas, des solutions d’aides peuvent également être envisagées, via le FSL ou la Caisse Centrale d’Activités Sociales (CCAS). Ce qui retient encore les communes de s’emparer de la tarification progressive : une augmentation générale des prix risquées pour l’équilibre des comptes, le besoin d’investissements pour renouveler des infrastructures, des normes toujours plus exigeantes, ou encore le manque d’accès aux données de la sécurité sociale compliquant l’identification des ménages pénalisés par le système.

Les collectivités ont le pouvoir d’agir

Comme le montrent les exemples ci-dessus pour ce qui concerne la gestion de l’eau, les collectivités sont un levier majeur d’actions publiques qui peuvent avoir un impact concret sur la justice sociale et climatique. Oxfam propose de maximiser son impact citoyen, en interpellant des collectivités au plus près de chez soi.

Je découvre l’interpellation locale

Sources :

(1) « Comprendre le prix de l’eau », plaquette de la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies (FNCCR), 2019

(2) Site du Sénat

(3) « Quel bilan de la tarification sociale de l’eau en France : l’exemple de Dunkerque » Alexandre Mayol, chair EPPP, 2017

(4) Régie des eaux Montpellier

(5) Site de Libourne

(6) « Mission d’information ‘flash’ sur la tarification sociale de l’eau », Lionel Causse & Hubert Wulfranc, 2022

(7) Podcast de Radio France à partir de 5’24