Scandale autour de la Taxe sur les transactions financières : des milliards d’euros de perdu pour l’État

Dans un nouveau rapport, Oxfam France et plusieurs ONG révèlent de graves failles dans la collecte de la Taxe sur les transactions financières (TTF) dans lesquelles les acteurs financiers peuvent s’engouffrer. Les méthodes de recouvrement très opaques de la TFF déléguée à l’acteur privé Euroclear ainsi que l’exclusion injustifiable de certaines opérations dans l’assiette de la taxe provoquent une perte pour les finances publiques évaluée entre 1 et 3 milliards d’euros chaque année.  

L’Etat accepte de perdre des milliards d’euros

Chaque seconde, c’est 100€ de taxe sur les transactions financières qui échappent à l’Etat. Nos recherches montrent que seul 15% des transactions financières sont taxées via la TTF. Certaines exclusions se justifient par les exemptions prévues par la loi mais près du quart de ces transactions non taxées reste inexpliqué, un grave laxisme de la part du gouvernement.

Les différentes ONG révèlent donc que, sans créer une nouvelle taxe mais en améliorant simplement le fonctionnement de l’existant, nous pourrions quasiment doubler les recettes actuelles. L’assiette fiscale ne serait donc plus chiffrée à 630 milliards d’euros comme c’est le cas actuellement, mais atteindrait 1 720 milliards d’euros. Cela permettrait de dégager entre 1 et 3 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires chaque année.

La TTF ou la taxe Robin des bois

La TTF prélève 0,3% des transactions financières. Un taux indolore pour le monde de la finance et qui n’a jamais eu d’impact sur l’attractivité des marchés mais qui rapporte près de 2 milliards d’euros par an à l’Etat Français.
En France, la taxe sur les transactions financières existe depuis 2012. La crise financière de 2008 nous a montré que les dérives de la finance pouvaient menacer des millions de personnes à travers le monde.
Cet impôt admet également que notre système économique enrichit considérablement quelques personnes pendant qu’elle en laisse des millions d’autres dans l’extrême pauvreté. Cette taxe avait donc été arrachée par la société civile pour financer également la solidarité internationale. Aujourd’hui, près de 30% des recettes de la TTF sont directement affectées à notre Aide Publique au Développement.

Euroclear : un aller sans retour en opacité

La Taxe sur les transactions financières est l’un des seuls impôts qui n’est pas collecté par l’administration fiscale. C’est l’acteur privé Euroclear qui est chargé par l’Etat du recouvrement de cet impôt. Euroclear est un des deux dépositaires centraux de titres boursiers, l’autre étant ClearStream. L’entreprise détient les titres financiers tels que les actions, les obligations ou les créances pour le compte de ses clients. Pour faire simple, Euroclear est un peu le comptable de la bourse.

Le monde de la finance se taxe lui-même

Nous assistons donc à une situation flagrante de conflit d’intérêt dans laquelle Euroclear prélève une taxe pour le compte de ses propres clients. Euroclear se base sur les simples déclarations des acteurs financiers en leur demandant, à chaque fin de mois, de remplir un tableau avec l’ensemble des transactions et le montant de la taxe due. C’est comme si, à la caisse du supermarché, on vous laissait calculer vous-même la TVA que vous devez payer et que personne ne vérifiait la justesse de votre calcul. Reconnaissons-le, dans une telle situation, on peut imaginer que certain.e.s seraient tenté.e.s de minimiser la somme due. La même question se pose naturellement pour le monde de la finance.

Euroclear refuse de communiquer ses données

En plus de cette situation de conflit d’intérêt, Euroclear a jeté un immense voile autour du recouvrement de cette taxe. Personne ne sait, ni les citoyen.ne.s, ni l’Etat, ce qui est réellement taxé par la TTF. L’entreprise refuse de fournir des données anonymisées des transactions qu’elle taxe. Nous devons exiger la transparence démocratique. Le voile doit être levé par Euroclear pour que nous sachions concrètement ce qui est taxé avec cette TTF et améliorer sa collecte.

Les activités les plus spéculatives de la finance échappent toujours à la TTF

Lors de l’instauration de la TTF, l’absence de solutions techniques empêchait un recouvrement efficace des transactions intra-journalières qui se retrouvaient exclues sans raison de l’assiette de cet impôt. Ces transactions sont parmi les plus spéculatives des marchés financiers au point que bon nombre d’économistes ont plusieurs fois remis en doute leur utilité sociale.

Or, suite à la révision de la directive européenne sur les marchés financiers de 2018, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) dispose désormais d’une base de données exhaustive détaillant toutes ces informations. Tous les obstacles techniques ayant été levés, la France n’a plus aucune excuse pour ne pas agir aujourd’hui et doit taxer ces transactions intra-journalières.

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La TTF : un outil pour financer notre solidarité internationale sacrifié

Un mauvais temps pour la solidarité internationale

Il est important de le rappeler, nous parlons d’une taxe qui sauve des vies. En effet, une partie des recettes de la TTF est directement affectée à notre Aide publique au Développement (APD) et soutient ainsi les populations les plus vulnérables face à la pauvreté et les changements climatiques. Le laxisme du gouvernement autour de la collecte de cette taxe finit est indécent.

De plus, notre Aide Publique au Développement ne cesse d’être rognée ces derniers temps. En effet, l’APD française a baissé de 11% entre 2022 et 2023. Le gouvernement a également annoncé une coupe budgétaire pour l’année de 2024 de 742 millions d’euros sur cette politique publique pourtant essentielle.

Face à l’accumulation des crises, la finance doit payer sa juste part

Ces décisions délétères pour notre solidarité internationale interviennent à un moment où les besoins humanitaires explosent dans le monde. Au Sahel, un quart de la population a besoin d’une aide humanitaire soit près de 24 millions de personnes. La Corne de l’Afrique connaît l’une des pires sécheresses de son histoire à cause de laquelle plus de 37 millions de personnes ont d’immenses besoins d’une assistance pour se procurer de l’eau. 3 milliards d’euros oubliés par la TTF en un an, c’est l’équivalent des besoins alimentaires pour toute l’année 2024 de 2 millions de foyers victimes de la crise de la faim en Afrique de l’Est.

Notre solidarité internationale ne peut pas être sacrifiée sur l’autel de la négligence fiscale. Nous devons exiger de l’Etat français qu’il agisse.

Les recommandations des ONG

> Mettre fin au scandale Euroclear en menant une enquête et en confiant la collecte de la TTF à l’administration française, avec l’appui de l’AMF ;

> Renforcer le contrôle des déclarations des transactions par les acteurs financiers ;

> Obtenir un accès public aux données agrégées par l’AMF ;

> Revenir sur les coupes budgétaires de la solidarité internationale et reprendre une trajectoire ascendante pour atteindre les 0,7% APD/ RNB ; 

> Affecter 50% des sommes perçues de la TTF à la solidarité internationale à travers le Fonds de solidarité et développement (FSD) ;

> Élargir l’assiette de la TTF aux transactions intra-journalières.