Qu’est-ce que la famine et comment l’enrayer ?

La famine fait malheureusement l’actualité. Peut-être vous demandez-vous donc ce que l’on entend par famine exactement et ce qu’il faut faire pour l’enrayer.

Tabitha Nyawich Kong avec sa fille et quelques animaux faméliques à Nyal, au Soudan du Sud. Après avoir été chassée de chez elle par les combats, elle s’est d’abord réfugiée dans un vaste marais, puis à Nyal. « La plupart de nos bêtes sont mortes en route, explique-t-elle, précisant qu’elle fuit les combats pour la deuxième fois. Je pense que, cette fois-ci, je ne rentrerai pas tant que je n’aurai pas la certitude que tout va bien depuis suffisamment longtemps. »

Plus de 130 000 personnes risquent leur vie à cause de la famine au Soudan du Sud au Burkina Faso et au Yémen, et 155 millions sont en situation de crise alimentaire et ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Malgré l’appel des Nations Unies et d’organisations comme Oxfam les financements sont toujours largement insuffisants [1] pour faire face à la situation humanitaire catastrophique dans ces pays et parer à la famine.

Vous vous demandez ce qu’on entend par famine ? Voici ce qu’il faut savoir.

La famine n’est pas juste une pénurie alimentaire

Une famine se définit par une situation de pénurie alimentaire généralisée dans laquelle un ménage sur cinq « a un déficit complet en alimentation et/ou autres besoins de base et est clairement exposé à l’inanition, à la mort et au dénuement ». Plus de 30 % des personnes souffrent de « malnutrition aiguë » et deux sur 10 000 meurent de faim chaque jour.

Lorsque toutes ces conditions sont réunies, la situation atteint le niveau le plus grave sur une échelle établie par le « Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire » (IPC). Cet outil assure un suivi de la disponibilité de nourriture et permet aux gouvernements et aux organisations humanitaires d’anticiper et d’éviter que les populations ne se retrouvent confrontées à la famine, soit la phase 5 de la classification IPC. (Précisons en passant que les phases 2 à 4 ne sont pas non plus des situations enviables. Comme vous pouvez le voir sur ce graphique, en général, les populations arrivent au stade de la famine en n’ayant que peu, voire pas de ressources pour se nourrir.)

Les causes de la famine

Comment se fait-il donc que l’on observe actuellement des situations de famine ou de quasi-famine alors que la production alimentaire est globalement suffisante ?

Les conflits sont les principales causes de la faim extrême, et leurs impacts sont en augmentation continue. Dans des pays comme la Syrie, le Soudan du Sud ou la République Centrafricaine, plus de la moitié de la population n’a pas accès à la nourriture nécessaire pour subvenir aux besoins essentiels. Il s’agit d’un échec inacceptable et d’une violation totale des droits humains. Ces chiffres s’expliquent par la superposition des crises et le manque de volonté politique pour les traiter en profondeur.

La famine est due à des crises sécuritaires et de conflits : déplacements de populations, pertes de ressources. Plus de 1.1 million de personnes sont déplacés internes au Burkina Faso et 53% de la population yéménite est en situation de crise alimentaire. Au Soudan du Sud et au Yémen, la guerre civile a déplacé les familles et interrompu l’approvisionnement alimentaire, et empêche l’accès à l’aide humanitaire. A cela s’ajoute la crise climatique qui peut se  manifester par  des sécheresses ou invasions de criquets : la sécheresse au Cambodge en 2020 par exemple ou invasion de criquets pèlerins en 2020).

Partout dans le monde, la pandémie de COVID-19 a aggravé les inégalités et creuse encore davantage le fossé entre les plus riches et les plus pauvres. En janvier 2021, le rapport d’Oxfam « Le virus des inégalités » révélait qu’en seulement 9 mois, les 1 000 personnes les plus riches du monde ont retrouvé leur niveau de richesse d’avant la pandémie COVID-19. Pour les personnes les plus pauvres, plus de 10 ans pourraient être nécessaires pour se relever des impacts économiques de la pandémie.

Il s’agit avant tout d’un problème politique, plus que d’un problème de production alimentaire : la production agricole en Afrique de l’Ouest a été bonne en 2020.

Il n’y a aucune excuse à la famine : c’est purement et simplement un scandale politique. En général, une famine se produit en cas d’« effondrement catastrophique des capacités de l’État ou de sa volonté de faire ce que l’on sait [être] nécessaire pour éviter la famine », selon les termes du politologue Alex de Waal. Lorsqu’un État échoue à éviter ou à régler un conflit, et ne permet pas de prévenir les pénuries alimentaires, quelle qu’en soit la raison, il manque à ses devoirs envers sa population.

Si l’on attend que l’état de famine soit déclaré, c’est trop tard

Le conflit au Soudan du Sud a commencé en 2013. Il n’est donc pas étonnant que la famine y ait été déclarée dans l’État d’Unité en février 2017. Depuis 2020, la situation empire, et le Sud Soudan est le pays qui comptabilise le plus de personnes touchées par la famine : 4 personnes sur 5 touchées se situent dans ce pays, soit 100 000 habitants.  Au Burkina Faso avec la dégradation de la situation sécuritaire et les difficultés d’accès pour l’aide humanitaire, la crise alimentaire s’est aggravée à la moitié de 2020.

Cela fait quelque temps déjà que les organisations humanitaires comme Oxfam et les agences de l’ONU (dont le Système d’alerte précoce contre la famine) ne cessent de mettre en garde la communauté internationale contre la détérioration de la situation dans ces pays et qu’elles recherchent des fonds pour éviter la famine. Et au début de la pandémie de la COVID19, en avril 2020, les agences des Nations Unies ont alerté sur le risque d’une crise alimentaire d’ampleur « biblique »Mais en l’absence de ressources financières, de règlement politique des conflits et de moyens pour aider les populations à faire face à la sécheresse, ce sont désormais 155 millions de personnes qui ont besoin d’une aide alimentaire et nutritionnelle d’urgence pour survivre.

Nous (les gouvernements, l’ONU, les organisations humanitaires) savons ce qu’il faut faire, puisque le monde lutte efficacement contre la famine depuis plus d’un siècle. En 2011, plus de 250 000 Somalien-ne-s ont perdu la vie après que la communauté internationale a ignoré les avertissements répétés face à l’absence de pluie dans la région. Nous ne devrions pas attendre que la situation devienne désastreuse et que les gens, dont beaucoup d’enfants, souffrent et meurent de faim. Nous devons mener un travail de sensibilisation et mobiliser les soutiens des mois, voire des années avant. Les gouvernements, les bailleurs de fonds doivent s’attaquer aux causes structurelles qui mènent à ces situations de crises : inégalités et pauvreté, conflits, changements climatiques.

L’action d’Oxfam

Ayesha, réfugiée Rohingyas au Bangladesh, collecte de l'eau pour ses deux filles de 10 et 18 ans.

Dans toute situation d’urgence humanitaire, il est essentiel de disposer d’eau potable pour boire, cuisiner et se laver, afin d’éviter les maladies mortelles transmises par l’eau, telles que le choléra. Mais tout problème gastrique causé par une eau insalubre ou une mauvaise hygiène empêche aussi de profiter des nutriments apportés par les denrées que l’on parvient à se procurer. Les enfants de moins de cinq ans sont particulièrement vulnérables. Oxfam aide à améliorer et à réparer les puits et achemine de l’eau potable par camion-citerne dans les zones où il n’y en a pas.

L’assainissement joue également un rôle primordial dans la prévention des maladies. Oxfam aide à construire des latrines et distribue des articles d’hygiène comme du savon pour que chacun puisse se laver les mains.

Même si de la nourriture est disponible sur les marchés, elle peut se révéler rare ou trop coûteuse pour certaines personnes. Dans ce cas, Oxfam distribue de l’argent, parfois en échange d’une participation à des travaux. Oxfam distribue également une aide alimentaire d’urgence, lorsque nécessaire.

Dans les zones où les agricultrices et agriculteurs peuvent planter, Oxfam contribue à fournir des semences, des outils et d’autres formes d’aide, afin de permettre aux personnes de produire leur propre nourriture. Nous soutenons également l’élevage en fournissant des services vétérinaires, des aliments pour animaux et, dans certains cas, des animaux pour aider les agricultrices et agriculteurs à reconstituer leurs troupeaux.

Oxfam collabore avec un réseau de partenaires locaux pour permettre d’améliorer et d’assurer les récoltes, créer des systèmes d’alerte précoce en matière de sécheresse, et aider à trouver d’autres façons de gagner de l’argent pour acheter de la nourriture en cas de mauvaise récolte. Pour la majeure partie de ses opérations dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, Oxfam travaille en étroite collaboration avec des groupes locaux.

Pour en savoir plus sur nos interventions au Nigeria, au Yémen, au Soudan du Sud, consultez notre page sur les crises alimentaires.

Efforts de prévention

Cet été, Oxfam et les autres organisations humanitaires doivent trouver des financements de toute urgence. Même en situation habituelle, la plupart des familles agricoles de l’Afrique subsaharienne ont du mal à manger à leur faim pendant la période de végétation. C’est ce qu’on appelle la période de soudure : lorsque les réserves de la précédente récolte commencent à s’épuiser et que les récoltes de l’année n’ont pas encore été effectuées. C’est aussi la saison des pluies, ce qui complique l’acheminement des vivres et de l’eau, car nombre de routes deviennent impraticables.

Dans les pays en conflit, nous faisons valoir la nécessité de mesures de protection de l’accès à l’aide humanitaire, ainsi que de solutions pour mettre fin aux violences qui affament tant de personnes.

Nous incitons également la communauté internationale à débloquer davantage de financements pour aider les populations à survivre à la crise actuelle et à développer les moyens de mieux résister à la prochaine.

Enfin, Oxfam appelle les gouvernements à investir dans l’adaptation au changement climatiques, et des programmes soutenant l’agriculture familiale et paysanne et un modèle de production agroécologique qui aideront les communautés agricoles à assurer leur sécurité alimentaire dans ces épisodes de multiples crises.

Malgré les appels précoces et répétés des Nations unies, de la société civile et des pays les plus démunis, les moyens financiers pour contrer la crise alimentaire à court terme ne sont pas là (les fonds fournis par les pays riches ne totalisent que 5 % de l’appel lancé par l’ONU pour 2021) mais surtout la volonté politique n’est pas au rendez-vous.

En effet les gouvernements adoptent la politique de l’autruche : il n’y a aucune volonté de s’attaquer aux causes structurelles de la faim : les inégalités du système agricole et alimentaire qui sous-tendent la crise actuelle. D’ailleurs les gouvernements ne se sont pas emparés de la question lors du dernier comité pour la sécurité alimentaire (CSA), organe des Nations unies qui avait été tout spécialement réformé après les émeutes de la faim en 2009 pour permettre une réponse multilatérale et coordonnée.

Si les gouvernements doivent tout mettre en œuvre pour sauver des vies dès maintenant, et financer l’appel des Nations unies, il ne faut pas que ces solutions “pansements” cachent la vraie solution: construire des systèmes agricoles et alimentaires plus résilients, justes et durables.”

Pour cela les gouvernements, les bailleurs de fonds, doivent remettre au centre de leurs priorités les petits producteur.trices et soutenir une transition radicale basée sur des principes agro-écologiques, permettant de faire face à toutes ces crises entraînant la hausse de la faim.

Infographie: de la sécurité alimentaire à la famine

[1] En mai 2021, les fonds fournis par les pays riches ne totalisent que 5 % de l’appel lancé par l’ONU pour 2021 soit 415 millions de dollars sur les 7,8 milliards réclamés pour lutter contre la faim dans le monde