Cet après-midi, les députés ont renoncé à inscrire dans le projet de loi PACTE une réelle transparence sur les écarts de salaires.

Plusieurs amendements défendus par le Modem, le groupe socialiste et la France insoumise proposaient une transparence des écarts par quartile, c’est-à-dire une mesure visant à demander aux entreprises de plus de 1 000 salariés de publier dans leur rapport annuel les écarts de rémunération par seuil de 25% pour chaque pays dans lesquels elles sont présentes [1]. Ils ont tous reçus un avis défavorable du gouvernement et ont été rejetés.

Alors que 86 députés s’étaient prononcés en faveur d’une transparence sur les quartiles [2], c’est finalement une mesure inexploitable en pratique qui a été adoptée consistant à demander uniquement la publication du salaire médian.

« Les députés ont adopté une mesure qui ne permettra pas d’atteindre l’objectif fixé par Bruno Le Maire à savoir la réduction des excès dans les entreprises. La mesure est une coquille-vide à deux niveaux. Non seulement la seule divulgation du salaire moyen et médian ne permettra pas de connaitre la distribution des salaires au sein d’une entreprise et de savoir si ce sont les très hauts salaires qui augmentent, les hauts salaires, les bas salaires où les très bas salaires. Mais en plus, en refusant de publier ces données pour chaque pays où est implantée l’entreprise, la mesure ne tiendra pas compte des différences de niveaux de vie par pays et faussera les comparaisons : on va comparer le salaire d’une ouvrière textile au Bangladesh avec celui d’un cadre supérieur en France, ça n’a aucun sens ! Alors que Bruno Le Maire s’était déclaré en faveur de la « transparence des écarts de rémunération par niveau » et qu’Emmanuel Macron s’y était engagé pendant la campagne, comment expliquer ce renoncement de la majorité qui vide la mesure de son sens et son utilité ?

Nous ne comprenons pas ce revirement du gouvernement qui n’a pas exprimé clairement ses raisons de refuser la transparence par quartile, une mesure qui rappelons-le vient d’être adoptée au Royaume-Uni par le gouvernement conservateur de Theresa May et avec un avis positif des syndicats du patronat. Jusqu’à présent, ni le gouvernement ni les rapporteurs n’ont su apporter d’éléments probants pour écarter cette mesure, alors que la seule étude d’impact publique digne de ce nom sur ce sujet a été réalisée au Royaume-Uni et conclut qu’elle n’a aucun impact financier.

Le gouvernement et les députés devront corriger le tir lors de l’examen en seconde lecture en redonnant tout son sens et sa portée à la transparence sur les écarts de salaires.C’est aussi une attente forte des citoyens : 70 % des Français y sont favorables selon un sondage paru mardi dernier et ils sont 75% à considérer que les écarts de salaires sont trop importants dans les grandes entreprises. [3] »

Par ailleurs, c’est un rendez-vous manqué sur la question des administrateurs salariés. Le gouvernement s’est opposé à la création d’un seuil de 3 administrateurs salariés pour les conseils d’administration de plus de 12 membres, ce qui était pourtant une recommandation du rapport Notat-Sénard.

Selon Manon Aubry : « Le gouvernement passe à côté du rendez-vous de la réforme de la gouvernance des entreprises, pourtant annoncée comme une mesure phare du projet de loi. La mesure adoptée reste symbolique puisqu’elle ne concernera que 8 entreprises du CAC 40 et ne fera progresser la présence des salariés dans les conseils d’administrations de ces entreprises qu’à 11% contre 10% aujourd’hui. On est loin de la moyenne européenne qui est de 33% ou de nos voisins allemands où ce chiffre monte à 50%.»

Enfin, malgré la volonté affichée par le gouvernement de remettre le social au cœur de l’entreprise en partageant plus équitablement les bénéfices avec les salariés, aucune mesure d’encadrement des rémunérations des actionnaires n’a été adoptée.

Pour Manon Aubry : « Le projet de loi PACTE traite la question de l’intérêt des salariés dans l’entreprise de façon trop marginale. Pourtant les dividendes des entreprises du CAC40 ont augmenté en moyenne trois fois plus vite que les salaires depuis 2009. Pour mieux partager les bénéfices avec les salariés, il faut agir en priorité sur l’encadrement des dividendes et ne pas se contenter d’une augmentation de l’intéressement ou la participation qui comporte de nombreux écueils pour les salariés et le financement de la protection sociale »

Contacts

Pauline Leclère
pleclere@oxfamfrance.org
07 69 17 49 63

Notes aux rédactions

[1] Les grandes entreprises internationales sont définies comme employant au moins 1 000 salariés en France, ou au moins 5 000 salariés en France et à l’étranger.

[2] La liste des 86 députés signataires de l’Appel d’Oxfam est en ligne sur le site d’Oxfam France.

30 appartiennent au groupe Socialistes et apparentés (Soc), 17 au groupe La France Insoumise (FI), 16 au groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR), 13 du groupe La République en Marche (LREM), 5 au groupe Mouvement Démocrate et apparentés (Modem), 4 au groupe UDI Agir et indépendants et 1 est non-inscrit.

[3] Enquête réalisée en ligne les 25 et 26 septembre 2018. Échantillon de 1 862 personnes, représentatif des Français âgés de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l’interviewé(e).