Oxfam publie un rapport inédit analysant l’impact des politiques publiques d’adaptation sur la population française. Cette publication révèle que plus de la moitié des droits humains en France est menacée du fait de l’improvisation des pouvoirs publics en matière d’adaptation et en absence de politique globale ambitieuse.
Alors que la France est le 3e pays européen le plus vulnérable aux effets du changement climatique, l’analyse d’Oxfam souligne que les rares initiatives mises en place par les pouvoirs publics sont purement réactives et renforcent les inégalités sociales et climatiques. Le sujet du climat, tant sur le plan de l’atténuation que sur celui de l’adaptation, a été totalement éclipsé pendant la campagne des législatives mais il ne peut être ignoré plus longtemps. Le nouveau gouvernement devra s’y attaquer d’urgence, d’autant plus que la sortie du nouveau Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC), repoussée à quatre reprises, a déjà un an de retard.

 

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Faits marquants du rapport

  • Au moins 26 des 50 droits fondamentaux sont directement menacés en France du fait de la négligence de l’Etat en matière d’adaptation, dont le droit à la santé, le droit à l’éducation, ou encore, le droit à un logement digne.
  • 1,3 millions d’enfants français.e.s en maternelle seront exposé.e.s à la chaleur excédant 35° dans les classes d’ici 2030. 55% des écoles maternelles françaises seront concernées et dans 4 départements – les Bouches du Rhône, la Seine-Saint-Denis, Paris et la Gironde – ce seront 100% des maternelles.
  • Aujourd’hui, 36% des travailleur.euses sont déjà exposé.es aux chaleurs extrêmes sur leur lieu de travail.
  • D’ici 2100, 5% des hôpitaux français seront menacés de fermeture à cause des aléas climatiques extrêmes, et 3% des écoles primaires et 2,3% des maisons de retraite seront affectés par la montée des eaux.

Contact presse

Marika Bekier, responsable presse
mbekier@oxfamfrance.org / 06 24 34 99 31

 

Le résumé du rapport en quelques points

Plus de la moitié des droits fondamentaux menacée en France

Oxfam France a calculé qu’au moins 26 des 50 droits fondamentaux sont directement menacés en France du fait de la négligence de l’Etat en matière d’adaptation, dont le droit à la santé, le droit à l’éducation, ou encore, le droit à un logement digne. Le rapport d’Oxfam donne de nombreuses illustrations de ce type de situations. Par exemple, d’ici 2030, 1,3 millions d’enfants français en maternelle seront exposés à la chaleur excédant 35° dans les classes. 55% des écoles maternelles françaises seront concernées et dans 4 départements – les Bouches du Rhône, la Seine-Saint-Denis, Paris et la Gironde – ce seront 100% des maternelles (1). Le droit des enfants à l’éducation s’en trouve menacé : les retards dans les programmes scolaires, et surtout la réduction des performances cognitives des élèves, sont significatifs à cette température, créant une rupture d’égalité des chances entre écoles non adaptées et écoles adaptées. Dans le domaine de la santé, Oxfam a calculé que d’ici 2100, 5% des hôpitaux français seront menacés de fermeture du fait de l’inadaptation de leurs infrastructures aux des évènements climatiques extrêmes (dépassement des températures réglementaires de 19 à 22°C à l’intérieur des bâtiments, inondations, montée du niveau de la mer, incendies) (2).

Le droit du travail en manque d’adaptation

Le droit du travail n’est pas pensé pour une France à +4°C. Aujourd’hui, 36% des travailleur.euses sont déjà exposé.es aux chaleurs extrêmes sur leur lieu de travail (3). Ce sont les travailleur.euses du bâtiment, les agriculteur.ices, les personnels soignants et toutes celles et ceux dont les tâches sont souvent les plus pénibles et les moins reconnues socialement et financièrement ou qui s’exercent dans des conditions précaires. Dans un scénario à +4°C, l’Ile-de-France, par exemple, pourrait connaître jusqu’à 94 jours de vague de chaleur, soit plus d’un quart de l’année (4). La récente adoption du décret mettant à l’arrêt les chantiers du BTP en cas de vigilance canicule orange et rouge est l’illustration de l’approche par à-coups et ultra-sectorisée de l’Etat. Pourtant, d’autres travailleur.euses sont gravement affecté.es par la canicule. Ce décret ne concerne d’ailleurs ni les pics ni les vagues de chaleur.

Le logiciel défaillant des investissements publics

S’il est artificiel de donner un chiffrage global concernant les investissements nécessaires à l’adaptation en France, Oxfam a calculé qu’il faudrait plusieurs dizaines de milliards d’euros a minima par an pour adapter la France aux impacts du changement climatique. Ce chiffrage comprend les financements spécifiques qui doivent être réalisés pour adapter le pays, mais ne prend pas en compte les investissements “courants” qui doivent être évalués sous le prisme adaptation afin de ne pas conduire à des maladaptations. Par exemple, d’ici 2100, 5% des hôpitaux français seront menacés de fermeture à cause des aléas climatiques extrêmes, et 3% des écoles primaires et 2,3% des maisons de retraite seront affectés par la montée des eaux (5).

« Les investissements publics décidés aujourd’hui ne prennent absolument pas en compte le facteur adaptation. Les responsables politiques n’ont pas mis à jour leur logiciel et font comme si nous étions toujours dans les années 90, comme s’ils n’avaient pas lu les rapports du GIEC ni les recommandations du Haut Conseil pour le Climat. Nous ne pouvons plus nous permettre aujourd’hui de jeter l’argent public par la fenêtre et de financer des infrastructures, tel que des hôpitaux, des écoles ou des routes, qui ne seront plus adaptées dans 20 ou 30 ans. L’Etat doit aussi immédiatement cesser toute subvention aux énergies fossiles climaticides en réorientant ces financements vers la transition et l’adaptation. Aujourd’hui, 67 milliards d’euros d’argent public subventionnent toujours des activités contribuant au dérèglement climatique ! (6) », déclare Quentin Ghesquière, chargé de plaidoyer et campagne Climat à Oxfam France.

Oxfam rappelle également que depuis 1980, la France a perdu 120 milliards d’euros à cause des conséquences du réchauffement climatique (7). Ce taux de pertes économiques est le deuxième le plus élevé au niveau européen en valeur absolue après l’Allemagne, et le troisième ramené au nombre d’habitant·e·s. Pour éviter de nouvelles pertes financières, la solution est d’adapter dès aujourd’hui les infrastructures publiques.

L’adaptation, un impensé des politiques publiques

L’adaptation à la française est une adaptation non planifiée, en réaction et par à-coup. Les pouvoirs publics attendent que les catastrophes se produisent pour tenter de les réparer.

Nous ne pouvons pourtant plus parler d’accidents ou de catastrophes naturelles. Les feux de forêts en Gironde ou les inondations du Nord Pas-de-Calais n’ont plus rien de naturel. Ces catastrophes résultent du dérèglement climatique causé par les humains. Elles étaient prévisibles et anticipables. Il est urgent que les responsables politiques apprennent enfin à éviter l’ingérable et à gérer l’inévitable.« , poursuit Quentin Ghesquière.

Les pouvoirs publics n’anticipent pas assez et le manque d’investissements et de moyens nécessaires à l’adaptation compromet la protection de l’ensemble des citoyen.ne.s, tout particulièrement des plus vulnérables, contre les conséquences du changement climatique.

Des politiques d’atténuation insuffisantes et l’absence de mécanismes d’adaptation coordonnés et transversaux aboutissent inévitablement à des impacts disproportionnés sur les personnes déjà plus affectées par les conséquences du réchauffement climatique : les plus précaires, les femmes, les enfants, les minorités, les personnes âgées ou isolées. Il faut agir simultanément sur les deux tableaux : celui de l’atténuation, car chaque dixième de degré compte, et sur celui de l’adaptation, car même si le dérèglement climatique peut et devrait être limité, il est déjà là et il faut s’en protéger .», conclut Quentin Ghesquière.

L’approche des pouvoirs publics en matière d’adaptation est aussi purement sectorielle. Il n’existe pas de vision globale et transversale de l’adaptation, et encore moins d’analyse sociale des politiques publiques envisagées. Une telle improvisation laisse la place au chacun pour soi et aggrave les inégalités entre les personnes et les structures pouvant s’adapter par leurs propres moyens, d’un côté, et celles, de l’autre, à qui la collectivité fait défaut pour affronter les conséquences du changement climatique. En France, les 20% les plus riches sont mieux protégés des effets du changement climatique que les 20% les plus pauvres (8).

Recommandations d’Oxfam

  • Plusieurs dizaines de milliards d’euros par an justement répartis pour l’adaptation en France, assorti d’un système fiscal juste ;
  • Une adaptation démocratique et transparente appuyée sur des analyses de vulnérabilité et sur une institution nouvelle composée de citoyen.nes chargée de décider de l’adaptation d’un territoire donné;
  • Des investissements publics conditionnés à des critères d’efficacité et de réduction des inégalités
  • Un Plan national d’adaptation au changement climatique opposable et contraignant permettant de rendre l’Etat redevable vis à vis des citoyen.n.es pour qui des droits sont menacés ;
  • Un droit du travail réformé et adapté aux effets du changement climatique afin de garantir une protection juridique aux travailleur.euses ;
  • Une adaptation juste au niveau international, la France devant assumer pleinement sa responsabilité historique dans le changement climatique en finançant, à la hauteur des besoins, l’adaptation des pays du Sud global.

Notes aux rédactions

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(1) Calcul obtenu par Oxfam à partir d’une étude réalisée par le cabinet EcoAct intitulée Vulnérabilité des écoles aux changements climatiques : quels besoins d’adaptation dans les territoires ?

(2) Chiffre obtenu par Oxfam grâce aux données du rapport sur les risques climatiques des infrastructures hospitalières du XDI.

(3) Données issues de la note de France stratégie intitulée L’adaptation du travail au changement climatique est un enjeu capital des prochaines décennies, notamment sur le plan économique.

(4) Données issues de météo France publiées dans un article du Monde : https://www.lemonde.fr/climat/article/2018/06/08/climat-vers-4-a-5-degres-de-plus-a-la-fin-du-siecle-a-paris_5311622_1652612.html

(5) Données obtenues grâce à l’étude du Cerema intitulée Projection du trait de côte et analyse des enjeux au niveau national – Horizons 2050 et 2100.

(6) Données du rapport du Réseau Action Climat, Panorama des dépenses néfastes pour le climat et l’environnement.

(7) Chiffre du rapport annuel de l’Agence européenne de l’environnement, Economic losses from weather- and climate related extremes in Europe.

(8) Pourcentage calculé à partir du panorama de fossés d’adaptation urbaine aux risques climatiques élaboré par le GIEC dans le 6ème rapport d’évaluation. Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability Working Group II Contribution to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change (page 941). La méthodologie de ce calcul effectué par Oxfam est indiquée dans le rapport. Le Haut Conseil pour le climat a également rappelé, dans une lettre adressée au gouvernement le 4 avril 2024, que la France n’était pas prête à faire face aux effets du changement climatique, les politiques d’adaptation nationales souffrant d’un manque d’objectifs opérationnels, de moyens, et de suivi.