Remettre l’enjeu fiscal au cœur des débats de la présidentielle

A l’approche de l’élection présidentielle, Oxfam France veut remettre l’enjeu fiscal au cœur des débats en publiant un Manifeste pour une fiscalité juste, vert et féministe. Impôt sur le revenu, impôt sur le capital, impôt sur les sociétés, niches fiscales, Oxfam France a passé au crible le système fiscal français et son évolution depuis 20 ans.

Lire le Manifeste fiscal

 

Le constat est très clair : les réformes fiscales successives ont transféré le poids de la fiscalité des entreprises et des plus riches vers les classes moyennes et populaires contribuant à l’affaiblissement de notre modèle redistributif avec, notamment, des recettes de la TVA et de la CSG qui ont augmenté respectivement de 25% et de 370%, quand les recettes de l’impôt sur les sociétés ont baissé de 23%. La dernière réforme fiscale de 2017 est venue parachever, dans des proportions inédites, cette tendance de fond, les 1% les plus riches sortant grands gagnants de la suppression de l’ISF et de la mise en place de la flat tax [1].

15 mesures concrètes et chiffrées

Le Manifeste d’Oxfam comprend 15 mesures concrètes et chiffrées [2] qui permettraient de dégager au moins 65 milliards d’euros supplémentaires par an afin de financer un grand plan de réduction des inégalités, sans pour autant augmenter la contribution des 70% des Français-e-s, c’est-à-dire les personnes seules gagnant moins de 2500 euros net par mois.

 

Pour Quentin Parrinello, responsable de plaidoyer Justice fiscale et inégalités d’Oxfam France :

« Alors que les inégalités sont reparties à la hausse sous ce quinquennat et ont été aggravées par la crise du Covid, Oxfam rappelle combien la fiscalité peut être un puissant levier de partage des richesses et de lutte contre le changement climatique, à condition de mettre davantage à contribution les plus riches. Notre projet de réforme fiscale n’augmentera pas l’imposition des classes populaires et des classes moyennes ».

« Nous publions ce Manifeste pour faire taire les idées fausses sur l’impôt particulièrement répandues dans cette période d’élection. Oui, les plus pauvres payent aussi des impôts, la TVA et la CSG, des impôts dont les taux ont explosé depuis 20 ans. Non, l’ISF ne faisait pas fuir les riches, ils étaient moins de 0,2% à avoir tenté l’exil fiscal entre 2007 et 2017, et la suppression de cet impôt n’a provoqué ni un surcroît d’investissement dans l’appareil productif, ni un retour des exilés fiscaux. Non, rapprocher le salaire net du salaire brut en supprimant les cotisations sociales ne permet pas de faire gagner du pouvoir d’achat mais priverait la Sécurité sociale de financement pour nos retraites et nos congés maladie. »

Parmi les mesures innovantes proposées par Oxfam : taxer les super héritages, faire payer une surtaxe aux millionnaires les plus polluants, rendre l’impôt sur le revenu plus lisible, plus progressif et plus féministe, ou encore revoir la fiscalité des pensions alimentaires.

65 milliards d’euros supplémentaires par an

« Nous disons aux candidates et candidats qu’il est possible de répondre aux besoins de financements qui sont devant nous, et ce pour protéger les plus précaires, renforcer les services publics, mieux payer celles qui nous soignent et investir dans la transition bas carbone. Sortons de la tentation de l’austérité qui est une impasse et regardons plutôt les solutions innovantes qui sont à notre portée ! ».

Oxfam propose de flécher ces 65 milliards d’euros vers 11 investissements prioritaires – mais non exhaustifs – pour s’attaquer profondément aux inégalités :

1) 7 milliards d’euros par an pour l’hôpital public, comprenant une revalorisation de 5% du budget de l’hôpital public et l’embauche de 100 000 personnels supplémentaires ;
2) 4 milliards d’euros par an pour la construction de 80 000 à 100 000 logements sociaux, dont une moitié de logements très sociaux (PLAI) ;
3) 3,5 milliards d’euros par an pour créer 400 000 nouvelles places en crèche en 5 ans ;
4) 4,5 milliards d’euros par an pour recruter 60 000 personnels supplémentaires dans l’enseignement supérieur et améliorer les conditions de travail ;
5) 14 milliards d’euros par an pour financer une revalorisation du RSA à 50% du salaire médian et son extension aux 18-25 ans ;
6) 4 milliards d’euros par an pour une financer une revalorisation des aides pour le logement ;
7) 2,5 milliards d’euros par an pour étendre le congé paternité à 12 semaines, au cœur d’une relance féministe pour lutter contre les inégalités femmes-hommes ;
8) 3 milliards d’euros par an pour une réforme d’ampleur des investissements dans le ferroviaire.
9) 10 milliards d’euros par an pour mettre fin aux passoires thermiques et tenir nos objectifs de rénovation des bâtiments ;
10) 2,5 milliards d’euros par an pour pérenniser et doubler le fond de décarbonation de l’industrie et favoriser une relocalisation verte des entreprises ;
11) 6 milliards d’euros par an pour renforcer notre aide publique au développement.

Les 4 milliards restants devraient être utilisés pour neutraliser les éventuels effets de bords des mesures sur les classes populaires et moyennes basses pour s’assurer que les personnes seules gagnant moins de 2500 euros nets par mois ne sont pas concernées par la hausse d’impôt.

Pour Quentin Parrinello : « Les choix fiscaux du prochain gouvernement seront un véritable marqueur des ambitions du quinquennat en matière d’inégalités et de lutte contre la pauvreté. Nous ne pouvons admettre que 7 millions de personnes aient besoin d’aide alimentaire dans un pays qui est la 6ème puissance mondiale. Il serait encore plus insupportable que la facture du Covid soit payée par les plus précaires. Or sans réforme fiscale profonde, c’est dans les caisses de l’hôpital public, de l’éducation nationale et de nos retraites qu’il faudra aller piocher ».

Contact presse

Pauline Leclère pleclere@oxfamfrance.org 07 69 17 49 63

Notes aux rédactions :

[1] Chiffres clés de l’impact des reformes fiscale depuis 20 ans.

• Entre 2000 et 2019, les recettes de la TVA et de la CSG, qui pèsent proportionnellement plus sur les plus précaires que sur les plus riches, ont ainsi augmenté respectivement de 25% et de 370%. Sur la même période, les recettes de l’impôt sur les sociétés (IS) ont baissé de 23% (source : XXX).
• Les réformes successives sur l’impôt sur le revenu ont diminué le nombre de tranches et multiplié les crédits d’impôts qui profitent largement aux déciles supérieurs : les 9% les plus riches captent la moitié des niches fiscales destinées au particulier (source : Ministère de l’Economie).
• le Crédit d’impôt recherche, a vu son montant multiplié par 3,5 en 10 ans sans pour autant voir une augmentation proportionnelle des brevets ou de l’investissement en innovation.
• Les 1% les plus riches sont les grands gagnants de la réforme fiscale de 2017 : leur niveau de vie a augmenté en moyenne de 2,8 %, alors que les 5 % des ménages les plus modestes ont perdu jusqu’à 0,5 % de pouvoir d’achat (source IPP, novembre 2021).

[2] 15 mesures pour une fiscalité plus juste, plus durable et plus féministe :

Pour un impôt sur le revenu des particuliers lisible et progressif. Gain estimé : Au moins 2,5 milliards €
1. Remplacer l’IR et la CSG par des contributions sociales et fiscales progressives, aux assiettes identiques et budgets séparés
2. Évaluer et réformer les niches fiscales à l’impôt sur le revenu pour s’assurer de l’impact sur les inégalités
Pour une juste imposition du capital. Gain estimé : Au moins 12 milliards €
3. Réaligner la fiscalité du capital avec celle du travail pour remettre l’équité au cœur du projet fiscal
4. Introduire une imposition sur les grandes fortunes améliorée, accompagnée d’une réforme du bouclier fiscal
5. Réformer l’imposition de l’héritage pour le rendre plus lisible et plus progressifs, en ciblant les super-héritages très peu taxés
Pour une fiscalité écologique juste. Gain estimé : 26 milliards d’euros redistribués aux plus précaires et investis dans la transition
6. Pour un ISF Climatique : faire payer une surtaxe aux millionnaires les plus polluants
7. Réorienter les marchés financiers vers la transition et lutter contre la spéculation financière
8. Mettre fin aux niches fiscales climatidices
9. Réorienter l’impôt pour favoriser la transition et décourager la pollution
10. Protéger les plus précaires : les modalités d’une taxe carbone juste
Pour une fiscalité féministe. Gain estimé : au moins 7 milliards €
11. Individualiser l’impôt sur le revenu pour améliorer l’émancipation économique des femmes
12. Revoir la fiscalisation des pensions alimentaires
Pour une fiscalité juste des entreprises. Gain estimé au moins 20 milliards €
13. Mettre en place un impôt minimum effectif juste pour les multinationales, sans exceptions.
14. Mettre en place une taxation unitaire des profits des multinationales
15. Evaluer et réformer les niches fiscales bénéficiant aux entreprises pour développer le tissu économique français