Louis-Nicolas Jandeaux, chargé de plaidoyer dette d’Oxfam France a déclaré :

« Avec le chaos économique causé par la pandémie de COVID-19 qui menace de faire reculer la lutte contre la pauvreté de plusieurs décennies, la prolongation de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) était le strict minimum que le G20 pouvait faire aujourd’hui. Malgré le cadre commun annoncé – une bonne nouvelle pour faire face à de profonds problèmes de solvabilité mais dont les détails restent encore inconnus – le fait de ne pas annuler les remboursements de dettes ne fera que retarder le tsunami qui risque d’engloutir de nombreux pays parmi les plus pauvres du monde, les laissant dans l’incapacité d’investir dans les systèmes de santé et les filets protection sociale dont ils ont si désespérément besoin. Une décision d’autant plus paradoxale qu’elle intervient 6 mois jour pour jour après l’appel du Président Macron ‘à annuler massivement les dettes des pays africains’. »

« Il est scandaleux que de puissants prêteurs privés et des institutions multilatérales comme la Banque mondiale soient toujours exclus du moratoire – la dette du secteur privé n’a toujours pas de mécanisme indépendant de révision. Les pays pauvres continuent de rembourser leurs dettes à de riches banques et autres fonds d’investissement au lieu d’investir dans leur réponse au COVID-19. La Zambie est au bord du défaut de paiement ; d’autres suivront si le G20 et les créanciers privés ne changent pas rapidement de cap. »

« Annuler la dette est possible. Les géants de la finance, dont BlackRock, ont récemment accepté avec l’Argentine et l’Équateur une décote allant jusqu’à 50% sur leur dette privée, mais il n’y a pas eu de telles concessions pour les pays les plus pauvres. Si le G20 veut soutenir sérieusement des centaines de millions de personnes à traverser cette pandémie, la dette détenue par les pays riches, les organismes multilatéraux et les créanciers privés devrait être annulée. »

« Après plusieurs années de travaux, le G20 n’a pas réussi à finaliser un consensus sur la réforme de la taxation des multinationales. Si une réforme en profondeur de la fiscalité des multinationales est nécessaire, les pays qui s’attaquent à la pointe visible de l’iceberg avec une taxation unilatérale des GAFA ne devraient pas être victimes de sanctions. Ces mesures unilatérales restent une solution temporaire face à un problème systémique. Il est totalement immoral que les pays pauvres perdent chaque année pas moins de 100 milliards de dollars de revenus à cause des paradis fiscaux, alors qu’ils sont aux prises avec la dette et un manque critique de ressources pour lutter contre cette pandémie. »

Notes aux rédactions

La dernière étude d’Eurodad – coalition européenne sur la dette et le développement – L’initiative de suspension de la dette du G20 : écoper le Titanic avec un seau ? met en exergue que les 5,3 milliards de dollars de suspension du remboursement de la dette accordé par le G20 jusqu’ici ne représentent que 1,6 % du total des paiements effectués par les pays en développement en 2020.